Je ne supporte pas ou plus les pleurs, que faire ?
JE NE SUPPORTE PAS OU PLUS LES PLEURS
L'enfant qui pleure renvoie à l'entourage un sentiment d'impuissance si celui-ci ne parvient pas à le calmer et l'apaiser.
Les pleurs sont les premiers échanges au stade du pré-verbal, la maman apprend à comprendre et à distinguer les différents appels que son enfant lui envoie, elle y répond du mieux qu'elle peut et elle affine sa compréhension au fil des mois.
L'enfant n'a pas les mots, il se fait comprendre.
Bien entendu, nous savons que les pleurs de la rentrée sont l'expression d'une émotion liée à ce bouleversement dans la vie de nos petits élèves, certains n'ont jamais quitté le nid familial, cette entrée sociale est un moment douloureux: perte de repères, perte de sécurité, perte de l'être aimé par sa disparition physique, perte de communication... cela fait beaucoup pour un petit de 3 ans. Néanmoins, sa vie ne peut se construire qu'à travers ces ruptures qui l'amènent à devenir autonome et capable de surmonter ces pertes. L'enfant, inéluctablement, a à traverser ces étapes et à y être confronté, il ne peut vivre dans la toute-puissance maternelle ( une mère omniprésente qui le protège à jamais). Le travail de l'enseignant est de l'accompagner dans cette rupture du mieux qu'il peut en lui offrant une autre base de sécurité. Selon la qualité de ses réponses, l'accompagnement des pleurs durera plus ou moins longtemps.
Voyons ,avant de parler des réponses possibles, l'effet ressenti par l'adulte au moment des pleurs.
Cette période de rentrée en petite section est un des moments les plus difficiles à vivre pour n'importe quel enseignant, c'est absolument épuisant, j'insiste sur cela pour que vous ne vous pensiez pas fragile ou incompétent. Je défie qui que ce soit de me dire que la rentrée en petite section est facile, cela demande une énergie physique et mentale très importante, je pense que l'enseignant de petite section devrait avoir une activité physique régulière pour être en forme afin de l'aider dans sa tâche; enfin c'est ce que je conseille.
Les pleurs sollicitent par leur insistance, par leur intensité ( les oreilles en prennent un coup !!!!), par leur durée, par leur puissance, par leur répétition la patience et la prise de recul de l'enseignant, ils peuvent raviver pour certains de mauvais souvenirs, renvoyer à leur propre impuissance et donner un sentiment d'anéantissement. Un défi mental se met en place: « Comment ne pas craquer ? », toute cette énergie puisée à contrer cet embrasement intérieur épuise, sans compter la sollicitation physique : porter dans les bras, se baisser pour être à la hauteur du petit interlocuteur, tenir trente six doigts, retenir celui qui veut se sauver, relever celui qui s'est couché par terre de rage, éviter les coups de pieds ( ça arrive aussi)..... Le tableau a de quoi faire peur mais c'est la réalité ( heureusement passagère) . C'est une lutte dont l'issue est l'accompagnement dans la réussite de ce passage symbolique.
Dans un précédent article sur les pleurs, j'avais présenté les types de pleureurs afin de les reconnaître et d'agir de manière adaptée, je n'y reviens pas.
Cependant de manière générale, si l'enfant pleure pour dire son malaise, sa tristesse, l'adulte doit lui dire qu'il le comprend, c'est pourquoi, il est important de mettre en mots et de parler en son nom (exemple: « tu pleures pour me dire que tu voudrais que Maman revienne tout de suite, j'ai bien compris et je peux te dire que ta Maman va revenir tout à l'heure, pendant qu'elle s'occupe de préparer ton repas, nous, nous allons jouer au ballon , faire de la peinture , parler avec Dalma ….. et quand tu vas la retrouver tu pourras lui raconter tout cela !! OU encore: « oui je te comprends , c'est très triste de quitter sa maman, tu peux pleurer , ça fait du bien après tu pourras venir jouer avec nous et ensuite tu raconteras tout à ta maman), en agissant ainsi l'adulte indique à l'enfant qu'il prend en compte sa tristesse, elle n'est pas niée, elle n'est pas interdite, elle est accueillie, reconnue et verbalisée. L'enfant se sent compris et rassuré, une autre base de sécurité lui est proposée, il va progressivement diminuer ses pleurs.
Je parlais plus haut de la perte de repères vécue par l'enfant, il est donc nécessaire de lui en redonner au plus vite. Il a besoin de permanence dans sa vie scolaire: permanence des personnes, permanence des lieux, permanence des rythmes et pour cela , une frise de la journée avec des photos du déroulement et petit personnage qui se déplace lui permet de mieux vivre la journée.
Enfin, la présence symbolique de la famille , notamment les objets transférentiels ( doudous, tétines et autres ...)ne peuvent être bannis de l'école, ils sont les seuls repères auxquels l'enfant se rattache, c'est violent de lui demander de s'en passer.
L'élève est donc compris, il a de nouveaux repères, mais cela ne suffit pas encore. L'école est un lieu d'activités, d'apprentissages et l' intérêt de l'enfant passe par cela. C'est pourquoi plus l'élève entre tôt dans l'activité, plus il y trouve du plaisir et moins il est fixé sur la souffrance de la séparation. J'ai pratiqué durant ma carrière de nombreuses fois la méthode essais-erreurs, effectivement, rien ne remplace la recherche et je peux dire que les pleurs s'arrêtent beaucoup plus facilement dés lors que l'élève agit. Cependant, il a envie d'agir si le contexte l'attire, si l'activité a du sens pour lui, celles à proposer s'inscrivent donc dans un terrain connu par l'enfant, c'est à dire qui parle de sa vie, de ses émotions, de ses objets de plaisir, il faut faire appel à sa curiosité, à ce qui le surprend, créer des situations mystérieuses qui mêlent joie et peur, favoriser le partage et le plaisir d'être ensemble, lui signifier de manière induite qu'à l'école, il a tout à prendre pour grandir ….
Pour conclure, et pour reprendre l'affirmation du titre « Je ne supporte pas ou plus les pleurs », je vous encourage à déplacer votre regard après avoir lu cet article, à vous rappeler qu'il s'agit de 15 jours difficiles( en moyenne) à traverser , à accepter aussi votre propre sentiment tout en allant chercher au fond de vous les ressources que vous possédez, vous avez sûrement au cours de votre vie dû surmonter des moments difficiles, vous avez à ce moment là ,utiliser certaines ressources, elles sont encore présentes en vous, sachez ne pas les oublier.