série "début d'année": j'ai peur de parler aux parents
Pour la première période , je vous propose une série d'articles sur les questionnements du début (un éclairage par semaine).
Voici le programme des affirmations qui sont ou seront traitées:
1 Je crains le jour de la rentrée
2 Je ne supporte pas ou plus les pleurs.
3 J'ai peur de parler aux parents.
4 J'ai le sentiment que cela va dans tous les sens.
5 J'ai le sentiment de ne pas avoir d'autorité.
6 Je me sens découragée.
Le troisième point qui ,selon moi, est un incontournable en cette période de réunions de rentrée est :
J'AI PEUR DE PARLER AUX PARENTS
J'ai ,dans ce blog, à de nombreuses reprises exprimé mon point de vue sur l'importance de la relation famille-école, je suis convaincue que c'est en cherchant à améliorer celle-ci que l'école évoluera . Inutile de se cacher la réalité, il y a actuellement de la défiance de part et d'autre et beaucoup d'attentes réciproques. Les critiques sont nombreuses envers l'école et les parents. Chacun se renvoyant ses propres responsabilités face à ses propres difficultés, c'est tellement plus simple d'accuser l'autre lorsqu'on se trouve soi-même en fragilité, plutôt que de reconnaître qu'il y a des changements à oser imaginer, à oser faire.
Dans ces difficultés, personne ne pense prendre appui sur l'autre.
Et pourtant lorsqu'un élève pose problème si l'école a un dialogue constructif avec la famille et non pas culpabilisant, et si la famille se montre en confiance vis à vis de l'enseignant , il y a fort à parier que l'élève va être plus coopératif. Des années d'expérience m'ont convaincue de cette logique. Ce n'est pas une simple théorie, c'est une pratique de 30 ans d'expérience, j'ai enseigné la plupart de ma carrière en zone rurale très défavorisée avec des familles qui connaissaient la pauvreté, le surendettement, les séparations, l'illétrisme, le chomâge, j'ai été dans une commune du département qui avait le record du nombre de familles nombreuses, bref ce n'était pas une ZEP mais elle en avait les critères, nous n'avons jamais eu les moyens d'une ZEP. Malgré tout, ma démarche en direction des familles a fait que je n'ai jamais eu aucun problème , les parents me respectaient comme je le faisais pour eux. J'ai bien eu des parents qui arrivaient en colère pour ce genre de petits détails ( le manteau sale, les poux, le gant perdu...) mais cela n'allait pas plus loin et la discussion permettait une compréhension et un apaisement.
Alors pourquoi une chose qui paraît si simple peut être si compliquée à mettre en place ?
Je pense qu'il y a derrière cette difficulté de dialoguer sereinement de la PEUR.
Du côté de l'enseignant , il y a la peur d'être jugé, d'être face à des questions embarrassantes, de ne pas répondre aux attentes des parents.
Du côté du parent, il y a la peur aussi d'être jugé comme un mauvais parent, d'être culpabiliser, de ne pas être reconnu, de revivre ses propres difficultés scolaires. Dans les deux cas, on voit bien que la peur c'est la menace sur l'identité.
La façon la plus fréquente de réagir à la peur est l'attaque, c'est une réaction d'auto-défense,une réaction émotionnelle.
En comprenant que la question de l'identité est au coeur de cette relation, ne faut-il pas s'interroger sur le comment agir dans ce sens ?
L'enseignant a donc à affirmer son identité, quelle est-elle ? Dans le cadre de son métier, c'est essentiellement celle du professionnel, c'est à dire qu'il est primordial que chacun songe qu'il n'est pas arrivé par hasard dans sa classe, pour y parvenir , il a dû suivre un chemin long et complexe, le niveau d'étude requis impose un travail important et le niveau du concours aussi. C'est pourquoi , y compris quand l'enseignant est débutant, il ne peut remettre en cause la légitimité de sa présence dans la classe. Il se positionne en tant que professionnel et expert dans la tâche qui lui est confiée. Bien entendu, son expérience va s'étoffer mais il n'est question d'attendre d'avoir une certain nombre d'années d'enseignement pour se sentir légitime.
Ensuite , l'enseignant a à démontrer que son souhait rejoint celui du parent dans la réussite de l'enfant, même si cela peut paraître une évidence. Il est important qu'il lui soit dit que la réussite de SON enfant préoccupe aussi la maîtresse ou le maître. A travers cet engagement, le parent reçoit la confirmation qu'il y a une prise en compte individuelle et nous touchons aussi à l'identité.
Par ailleurs, au cours de l'année, à nouveau, les parents sollicitent cette reconnaissance et par des moyens détournés ( bonnet perdu, cauchemars, peur de la récréation, ….) ils expriment ce nécessaire besoin d'être écouté et reconnu. Le rôle d'un professionnel est de répondre à cette attente et de se montrer prêt à justifier ses choix, en ayant une attitude d'ouverture et d'écoute, il en résulte une plus grande confiance et des parents moins demandeurs. La disponibilité est pour moi synonyme de tranquillité . Par exemple, lorsque mes propres enfants ont pu se prendre en charge après l'école, j'ai décidé de dire aux parents que je pouvais les recevoir à l'heure qui les arrangeait, c'est à dire que s'ils finissaient tard, je pouvais attendre. J'avais pesé les risques d'une telle disponibilité et j'étais prête à assumer certaines contraintes. Finalement, les parents reconnaissants d'une telle possibilité n'ont jamais osé en profiter, et ils se sont toujours arrangés avec leur travail . Chaque année avec les nouveaux parents je renouvelais mon message et les réactions ne variaient pas. Comme quoi dans les critiques que nous entendons au sujet des enseignants il y a les horaires de travail et le manque de temps pour les voir, et finalement quand la possibilité est offerte, cela crée un rapport de respect dont les parents se sentent eux-mêmes redevables, mais combien est important d'avoir inscrit en eux l'idée que le souci de leur enfant valait du temps donné.
Pour finir et répondre à la préoccupation du titre « J'ai peur de parler aux parents », je veux rappeler qu'un enseignant est un professionnel qui doit reconnaître et affirmer sa légitimité, que s'il se montre respectueux et à l'écoute de chaque parent, chacun lui en sera reconnaissant et que la meilleure façon de se montrer accueillant est d'avoir un visage souriant, c'est banal à dire, mais c'est tellement agréable à recevoir : un sourire !!!!!!!
Si vous avez des difficultés dans la relation avec les parents et que vous désirez en parler, ce blog vous est ouvert.
Si vous avez une expérience positive avec les parents et que vous désirez la faire partager, ce blog vous est ouvert.